Counter-stereotypic beliefs in math do not protect school girls from stereotype threat

[Huguet2009] Huguet, P., Régner, I., Counter-stereotypic beliefs in math do not protect school girls fromstereotype threat, Journal of Experimental Social Psychology (2009). 

[Le texte ci-dessous est largement repris de la présentation d'Isabelle Régner ici, dont la version longue est ici]


Préambule sur les clichés
La société est pétrie de clichés : les filles seraient nulles en maths, moins « techniques », ne sauraient pas bien conduire, etc. Ces clichés nous font souvent sourire, et génèrent parfois des débats houleux, mais font moins sourire lorsqu'ils sont à la source explicite ou implicite de décisions. Ces clichés sont un objet d'étude scientifique : ce sont des stéréotypes sociaux. Un stéréotype social est un ensemble de croyances plus ou moins partagées à propos de caractéristiques, compétences ou incompétences, potentiels ou intérêts, que possèderaient des individus en raison de leur appartenance à un groupe (auquel les individus appartiennent indépendamment de leur volonté - sexe, couleur de peau, handicap, etc.). Ainsi, les hommes sont généralement pensés comme compétitifs, audacieux, forts en maths, tandis que les femmes sont pensées plus sensibles, émotives, irrationnelles, bonnes en lettres mais nulles en maths.


Ces stéréotypes posent 3 problèmes. D'abord 2 évidents : ce sont des sur-généralisations et c'est caricatural, et ça véhicule l'idée d'une infériorité biologique des femmes (qui auraient des cerveaux différents). Par souci de clarté, mentionnons que ce dernier point a été formellement réfuté par les neurosciences (voir [Vidal2019] et les références à l'intérieur). Mais le 3ème et bien moins évident problème que posent ces stéréotypes sociaux, c'est qu'ils sont tellement présents dans la société, que même si l'on est en fort désaccord avec, ils sont ancrés dans notre mémoire à long terme, et donc soumis au fontionnement de la mémoire comme n'importe quelle autre information qui y est stockée : ils peuvent être automatiquement activés par des éléments apparaissant dans notre environnement. Ainsi, quand on est dans un environnement où on mesure une compétence ciblant un domaine où l'on subit un stéréotype négatif (par exemple une élève passant un test de maths), alors il y a activation automatique du stéréotype : en plus du stress normal, on gère un stress supplémentaire accaparant la mémoire et interférant dans le fonctionnement cognitif, ce qui peut mener à des résultats plus faibles. C'est ce qui est montré dans l'étude présentée dans [Huguet2009].


Résultats

Image
huguet result

Dans [Huguet2009], Pascal Huguet et Isabelle Régner ont réalisé une étude avec 200 élèves de 6ème et 5ème. Une tâche de reproduction de forme géométrique leur était assignée. À la moitié des élèves, la tâche était présentée comme un test de maths. A l'autre moitié, elle était présentée comme un test de dessin. Seul un mot de l'énoncé est modifié. Dans la moitié avec l'énoncé mentionnant les maths, les filles ont eu des résultats significativement plus bas que ceux des garçons. Dans la moitié avec l'énoncé mentionnant le dessin, l'inverse se produit : les garçons ont eu des résultats significativement plus bas que ceux des filles.

2 conclusions en sont tirées :

  • Cela infirme, s'il en était besoin, l'hypothèse biologique comme raison de la moins bonne performance en maths.
  • Cela montre la notion de « menace du stéréotype » : un stéréotype agit sur un individu comme une prophétie auto-réalisatrice, puisque la contre-performance est seulement due au contexte que nous créons et que nous véhiculons, mais cette contre-performance vient souvent renforcer le stéréotype dans l'esprit des évaluateurs et des élèves. Les stéréotypes ne sont donc pas inoffensifs et portent alors bien moins à sourire.

 

Dans des études suivantes en neurosciences comme [Forbes2014], analyses EEG ou imagerie IRM ont révélé que des zones spécifiques du cerveau sont actives en fonction des cas : quand un individu passe un test où on lui annonce en préambule que les performances de son groupe sont moins bonnes que celles attendues selon le stéréotype (par exemple des étudiants en maths à qui on dit que sur ce test, il n'y a pas de différence de résultat entre hommes et femmes, ou encore que des asiatiques font partie des compétiteurs), alors une zone propre au stress émotionnel est activée (gyrus frontal médian côté droit), mais également une zone spécifique au cas où les informations entrantes sont en conflit avec les informations mémorisées, c'est-à-dire avec les croyances personnelles (cortex cingulaire antérieur).
 

<- Précédent: Introduction                                             Suivant: L'étude de Moss-Racusin 2012 ->